Crise des œufs : l’industrie agroalimentaire au bord de la rupture ?
De la ferme au process industriel, les œufs manquent à l’appel
Depuis plusieurs mois, les industriels de l’agroalimentaire font face à une tension inédite : les œufs, ingrédient de base dans des centaines de produits (pâtes, pâtisseries, plats préparés, sauces...), se raréfient.
Cette crise ne touche pas seulement les supermarchés, où les rayons sont parfois clairsemés, mais frappe au cœur des chaînes de production.
À l’échelle mondiale, la production d’œufs a reculé pour la première fois depuis des décennies.
Aux États-Unis, les prix de gros ont doublé en un an. En Europe, plusieurs industriels tirent la sonnette d’alarme. L’œuf, cet ingrédient de base, devient un produit sous tension.
En France, la filière a perdu près de 8 % de sa production en un an. L’Hexagone, traditionnellement autosuffisant, a dû importer plus de 24 000 tonnes d’œufs et d’ovoproduits en 2023.
Résultat : tensions d’approvisionnement, flambée des prix, et adaptation en urgence dans les usines agroalimentaires.
Pourquoi une telle pénurie ?
Plusieurs facteurs se conjuguent :
Grippe aviaire : plus de 3 millions de poules pondeuses ont été abattues en France depuis 2022, et plus de 60 millions dans le monde. Résultat : un recul de la production française de près de 8 % en un an.
Coûts de production en hausse : l’alimentation animale représente jusqu’à 65 % du coût d’un œuf. La flambée des prix des céréales, de l’énergie et du transport pèse lourd sur les élevages.
Transition réglementaire accélérée : fin progressive des cages, interdiction du broyage des poussins mâles... autant de normes positives pour le bien-être animal, mais qui demandent des investissements importants à court terme.
Demande en hausse : en 2023, les Français ont consommé en moyenne 224 œufs par personne, un record. L’œuf reste la protéine la moins chère du marché, ce qui renforce la pression sur une offre déjà tendue.
Quelles conséquences pour les industriels ?
Des ruptures d’approvisionnement obligent certains acteurs à ralentir la cadence ou à revoir leurs recettes.
Les prix ont bondi de +17 % en 2022, puis de +9 % en 2023. Pour les transformateurs (biscuiterie, traiteurs, boulangerie industrielle…), la facture s’alourdit, et l’absorption de ces hausses devient un vrai casse-tête.
Quelles solutions à court et moyen terme ?
Soutenir la production locale. Un plan de relance vise à construire plusieurs centaines de nouveaux élevages d’ici 2030. Objectif : regagner l’autonomie perdue, la France a dû importer plus de 24 000 tonnes d’œufs en 2023.
Diversifier les approvisionnements. Les industriels se tournent vers d’autres pays européens, comme l’Espagne ou la Pologne, tout en sécurisant leurs volumes via des contrats à long terme.
Intégrer des substituts. De nouveaux ingrédients à base de pois, de fécule ou de protéines végétales permettent de remplacer partiellement l’œuf dans certaines recettes (sauces, pâtisseries, pâtes).
Reformuler intelligemment. Dans certains produits, la quantité d’œuf est réduite sans impact sensoriel, grâce à des procédés technologiques ou des agents texturants.
Un produit simple, un signal fort
La crise de l’œuf illustre à quel point les chaînes agroalimentaires restent vulnérables aux chocs sanitaires, économiques et réglementaires.
Loin d’être anecdotique, cette pénurie oblige les entreprises à faire preuve d’agilité, d’innovation et d’anticipation.
Et elle rappelle une vérité simple : dans l’alimentaire, ce sont souvent les ingrédients les plus basiques qui révèlent les plus grandes fragilités.
Et dans ce petit œuf en apparence anodin, se joue en réalité une partie essentielle de notre souveraineté alimentaire.