Distribution alimentaire : la montée des circuits discrets et disloqués
De nouveaux canaux « hors radar » gagnent du terrain dans la distribution alimentaire.
On voit émerger des formats discrets en marge des circuits classiques : groupes de producteurs, ventes directes en ligne ou encore corners indépendants en grande surface.
Cette tendance répond à l’engouement pour le local et la transparence : de plus en plus de Français se tournent vers des alternatives à la grande distribution pour s’approvisionner près de chez eux.
Émergence des circuits alternatifs discrets
Magasins de producteurs, marchés paysans, AMAP… Autant de formules qui se multiplient.
Les magasins de producteurs, gérés collectivement par des agriculteurs, ont fleuri ces dernières années, passant d’environ 450 points de vente en 2021 à près de 600 fin 2023.
On assiste aussi à la montée des drives fermiers (points de retrait de paniers locaux) et des ventes directes à la ferme.
En parallèle, des applications mobiles et plateformes facilitent ces circuits courts.
Par exemple, La Ruche qui dit Oui compte plus de 1 000 communautés de vente en France, où les consommateurs commandent en ligne puis récupèrent chaque semaine des produits locaux.
De même, Locavor organise des commandes groupées de proximité, tandis qu’à Marseille l’application Santafoo propose la livraison de produits locaux à domicile en « évitant les supermarchés au profit des producteurs locaux ».
Ces solutions digitales, plébiscitées notamment par les plus jeunes, offrent un compromis entre praticité et soutien aux circuits courts (les 18-34 ans urbains étant nombreux à privilégier la livraison à domicile).
Des canaux de distribution éclatés
Conséquence de cet essor, les canaux de distribution s’éclatent et deviennent moins centralisés.
La grande distribution demeure dominante, elle reste incontournable pour environ 70 % des ménages, mais elle est désormais contournée à la marge par une galaxie d’intermédiaires et de circuits alternatifs.
Chaque canal pris isolément pèse encore peu : la vente de produits locaux représente en moyenne 2 à 3 % seulement du chiffre d’affaires d’un supermarché, et à peine 5 % des Français s’approvisionnent aujourd’hui sur les marchés ou directement à la ferme.
Néanmoins, la fragmentation s’accélère : à côté des hypermarchés coexistent des marketplaces alimentaires (par exemple Pourdebon, adossé à La Poste, qui livre en direct les produits de 800 producteurs partout en France), des épiceries indépendantes engagées en circuit court, des start-ups de livraison locales, etc.
Même les enseignes traditionnelles s’adaptent, en hébergeant des rayons de produits locaux via des programmes comme Alliances Locales, Producteurs d’Ici ou Le Meilleur du Local.
Le paradigme d’une distribution ultra-centralisée cède ainsi la place à un écosystème plus diffus, où producteurs et petits acteurs innovants peuvent atteindre le consommateur final par des chemins détournés.
Vers un nouvel équilibre stratégique
L’essor de ces circuits discrets et disloqués oblige les acteurs établis à repenser leur stratégie.
Le consommateur exprime un désir fort de qualité, de proximité et de traçabilité, le goût et la qualité des produits sont la priorité pour 72 % des clients, devant l’origine française et le lien direct au producteur.
Dans le même temps, le prix reste un frein majeur (cité par 38 % des Français) qui limite l’ampleur de ces achats alternatifs.
Les distributeurs traditionnels doivent donc trouver un équilibre entre prix et engagement local pour ne pas perdre de parts de marché au profit de ces modèles émergents.
Pour les professionnels de l’agroalimentaire, le paysage qui se dessine est à surveiller de près : la montée de ces circuits « hors radar » pourrait rebattre les cartes de la distribution, imposant plus de flexibilité, de partenariats locaux et d’innovations logistiques dans les années à venir.
Sources : INSEE, ANDES (2024), FranceAgriMer (2023), Observatoire Alimentation & Numérique 2024, Le Monde (mars 2024), UFC-Que Choisir (2023), Santafoo, La Ruche qui dit Oui, Locavor, Pourdebon, Réseau des magasins de producteurs, NielsenIQ.
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Expert des mutations alimentaires, cofondateur du média Pour nourrir demain, j’accompagne depuis dix ans les marques dans leur transition. Si vous voulez gagner du temps, prendre de la hauteur et mieux décider : parlons-en.
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