La loi Anti-gaspillage pour une économie circulaire (dite loi AGEC) fixe des objectifs ambitieux en matière d’emballages avec un cap symbolique en 2025.
Parmi ses dispositions phares figure l’obligation que 100 % des emballages soient recyclables d’ici 2025.
Cela s’accompagne d’une réduction de 20 % des emballages plastiques à usage unique d’ici fin 2025 (dont la moitié via le réemploi).
Concrètement, les entreprises agroalimentaires doivent éliminer les emballages non recyclables et intégrer davantage de matières recyclées ou réutilisables.
En parallèle, des cibles de réemploi sont introduites (5 % des emballages réemployés dès 2023, 10 % en 2027).
À l’aube de 2025, ces obligations créent une pression sans précédent sur les industriels : le « mur » réglementaire se dresse, et il ne reste que quelques mois pour s’y conformer.
Coût, image de marque et faisabilité : un dilemme pour les industriels
Pour les décideurs du secteur agroalimentaire, la transition vers des emballages durables est un numéro d’équilibriste.
D’un côté, l’image de marque et la demande sociétale poussent à innover vers des solutions écologiques.
De l’autre, le coût et la faisabilité opérationnelle freinent souvent les initiatives vertueuses.
Repenser les emballages implique des investissements lourds et des risques industriels.
Par exemple, Fleury Michon a investi 7 millions d’euros dans ses usines pour installer de nouvelles lignes de conditionnement en barquettes bois. Danone a déboursé 6 millions d’euros pour lancer une nouvelle gamme de boissons dans des briques en carton.
Au-delà de l’investissement initial, les nouveaux matériaux restent souvent plus onéreux : un emballage en kraft coûte environ 20 % plus cher, et une bouteille en plastique recyclé (rPET) environ 30 % plus chère qu’en plastique vierge.
Cette différence grimpe même à 70 % pour des alternatives 100 % végétales. Ces surcoûts pèsent sur les marges malgré quelques économies possibles par allègement.
La faisabilité technique pose aussi question.
Remplacer un plastique traditionnel nécessite souvent deux à trois ans de R&D et de reconfiguration industrielle.
Il faut trouver des fournisseurs fiables, adapter les machines, tester la compatibilité alimentaire et la conservation des produits.
Par exemple, pour passer à 100 % de bouteilles en rPET, encore faut-il collecter suffisamment de plastique recyclé, alors que la France ne recycle qu’environ 55 % des bouteilles aujourd'hui.
De plus, certains emballages assurent des fonctions de barrière sanitaire ou de conservation difficiles à reproduire sans plastique.
Le plastique reste souvent le moins cher et le seul à garantir certaines propriétés, ce qui en fait un mal nécessaire dans l’immédiat.
Le défi est donc de concilier contraintes techniques et exigences réglementaires.
Des stratégies contrastées : entre coups de frein et accélérations
Face à ces enjeux, les acteurs de l’agroalimentaire n’avancent pas au même rythme. Certains freinent des quatre fers, d’autres accélèrent discrètement.
Du côté des freins, on observe des tentatives de retarder l’application des règles.
Par exemple, le bannissement des barquettes plastiques pour les fruits et légumes frais a été repoussé à plusieurs reprises.
Le polystyrène non recyclable, pourtant concerné par des interdictions, reste massivement utilisé dans les pots de yaourt ou les barquettes de viande.
A l’inverse, des entreprises ont pris de l’avance.
Danone avance sur ses bouteilles Evian et Volvic en plastique 100 % recyclé et expérimente les alternatives comme la brique carton.
D’autres marques innovent sur les matériaux.
Savéol a supprimé le plastique de ses barquettes de tomates et fraises au profit du carton.
Daddy a remplacé ses bouteilles en PET rose par des doypacks en papier kraft.
Fleury Michon a lancé des barquettes bois pour ses plats cuisinés et des emballages cartons allégés pour sa charcuterie.
Même si ces initiatives sont coûteuses et complexes à déployer, elles positionnent ces entreprises comme pionnières.
Notons également l’essor de solutions de réemploi en circuit court, notamment pour des produits frais conditionnés dans des pots en verre consignés.
Certaines enseignes testent aussi la consigne ou le vrac pour certains produits.
Recommandations pratiques pour rattraper le retard
Pour les marques agroalimentaires qui accusent du retard, il est encore temps d’agir.
Voici quelques recommandations clés :
1. Cartographier et prioriser vos emballages : dresser l’inventaire de vos packagings par ordre d’importance (volume, impact environnemental, risque réglementaire) et prioriser les substitutions critiques.
2. Innover étape par étape : viser d’abord la recyclabilité minimale pour 2025, tout en lançant des pilotes sur des solutions plus innovantes à moyen terme.
3. Collaborer au sein de la filière : rejoindre des initiatives collectives, mutualiser la R&D et partager les bonnes pratiques pour accélérer la transformation.
4. Soigner la communication sans greenwashing : valoriser vos progrès réels avec des chiffres précis, sans survendre vos engagements pour conserver la confiance des consommateurs.
Le mur de 2025 n’est pas infranchissable, mais il impose une mobilisation immédiate.
Les entreprises qui transformeront cette contrainte légale en opportunité stratégique renforceront leur compétitivité et leur image de marque.
À quelques mois de l’échéance, accélérer est plus que jamais nécessaire.
Sources : Ministère de la Transition écologique, CITEO, Bonduelle, Danone, Fleury Michon, Savéol, Daddy, Conseil d'État, FCD, ADEME, LSA, Emballages Magazine