IA générative et R&D produit : effet de mode ou vrai levier stratégique ?
Ou comment intégrer des doses d'Intelligence Artificielle dans les stratégies d'innovations ?
Depuis l’irruption de ChatGPT, l’enthousiasme pour l’IA générative gagne tous les secteurs y compris l’agroalimentaire.
En France, l’usage des IA génératives dans les PME a doublé en un an, passant de 15 % à 31 %. Pourtant, moins d’une entreprise française sur deux a investi dans l’IA en 2024 (contre 72 % dans le monde).
Alors, simple effet de mode ou véritable atout pour innover ? Les directions marketing et R&D des marques agroalimentaires testent déjà ces outils dans le développement produit, de l’idéation au packaging.
Des algorithmes pour innover de l’idée au packaging
De l’idéation à la mise sur le marché, l’IA générative s’invite à chaque étape. En amont, des modèles comme ChatGPT peuvent proposer des recettes inédites ou des associations de saveurs à partir de bases de données d’ingrédients.
Certains services R&D l’utilisent déjà comme un "sous-chef virtuel", capable de suggérer des combinaisons surprenantes, ensuite testées et affinées en cuisine.
Côté marketing, les générateurs d’images permettent de créer en quelques secondes des visuels de concepts produits ou de packaging. Ils accélèrent les phases créatives, facilitent les tests consommateurs et permettent d’illustrer plusieurs pistes sans mobiliser un studio graphique à chaque itération.
Les équipes innovation s’en servent aussi pour prototyper des idées de produits et recueillir des feedbacks sur les réseaux sociaux avant même la production.
L’IA est également utilisée pour améliorer les tests consommateurs. Elle peut générer des questionnaires plus engageants, analyser automatiquement des verbatims ou croiser les résultats d’études sensorielles.
Certaines entreprises vont plus loin, en combinant ces outils avec l’analyse d’opinions sur les réseaux pour détecter les tendances émergentes et nourrir leurs prochaines innovations.
Des cas concrets en France : du géant à la start-up
En France, plusieurs acteurs agroalimentaires ont déjà franchi le pas. De grands groupes utilisent l’IA pour reproduire à l’identique des produits iconiques en version végétale, en s’appuyant sur la data et la modélisation moléculaire pour ajuster goût, texture et nutrition. L’objectif : réduire les temps de développement tout en garantissant le plaisir.
Ces entreprises intègrent aussi l’IA dans leur cycle de R&D pour optimiser les formulations ou repenser leurs emballages. Elles parlent de “R&D augmentée”, en lien avec des partenaires technologiques, pour imaginer des solutions nutritionnelles plus durables.
Du côté des PME, l’IA générative permet de compenser un manque de ressources. Une chocolaterie artisanale peut l’utiliser pour créer des recettes originales, générer des noms de gamme ou écrire des histoires de marque.
Des jeunes pousses foodtech y ont recours pour créer des visuels de produits destinés à tester l’attractivité de concepts auprès de leur communauté.
Des limites bien réelles à surmonter
Malgré leur potentiel, ces outils ne sont pas sans limites. La fiabilité des contenus générés n’est pas toujours au rendez-vous : une recette peut sembler cohérente mais comporter des erreurs de dosage ou de sécurité alimentaire. Il est essentiel qu’un expert valide systématiquement les suggestions.
Ces outils reflètent aussi les biais présents dans leurs données d’entraînement. Ils peuvent favoriser certains profils gustatifs, exclure des ingrédients innovants ou mal interpréter des demandes. De plus, l’IA ignore les contraintes réglementaires en matière d’additifs, d’allégations ou d’étiquetage, ce qui impose une relecture juridique rigoureuse.
Enfin, reste la question de l’acceptabilité. Certains consommateurs pourraient se méfier de produits conçus par IA, par crainte d’un manque d’authenticité ou de transparence.
Il faudra donc expliquer, rassurer et repositionner l’IA non pas comme substitut, mais comme outil au service du savoir-faire humain.
Bonnes pratiques pour transformer l’essai
Si l’IA générative est un véritable levier stratégique en puissance, elle doit être abordée méthodiquement pour tenir ses promesses.
Voici quelques préconisations à destination des marques agroalimentaires souhaitant explorer ce nouvel outil :
Commencer petit et concret : identifier un cas d’usage ciblé (brainstorming de nouveaux parfums, création d’un visuel de concept, etc.) et mener un projet pilote. Cela permet de mesurer la valeur ajoutée de l’IA sans gros investissement initial.
Former les équipes et encourager l’expérimentation : marketing, R&D, innovation… chaque service doit comprendre les capacités et limites des IA génératives. Des ateliers pratiques (comme celui organisé par Pour nourrir demain) peuvent démystifier des outils comme ChatGPT et apprendre à bien formuler les prompts. 80 % des utilisateurs de ces IA estiment qu’il faut du temps pour s’approprier l’outil et en tirer le meilleur, avec esprit critique
Garder l’humain dans la boucle : ne jamais débrancher son esprit critique. Les idées ou designs produits par l’IA doivent être évalués par des experts métiers (ingénieurs R&D, nutritionnistes, designers…) avant validation. L’IA est un collaborateur virtuel doué pour générer des options, mais c’est à l’équipe de trancher.
Assurer qualité, éthique et conformité : mettre en place des garde-fous internes. Par exemple, établir une checklist de contrôle (sécurité du produit, conformité réglementaire, absence de parti-pris offensant dans un texte marketing). De plus, protéger ses données sensibles : si l’on utilise une IA en ligne, éviter d’y exposer des recettes secrètes ou des infos stratégiques sans précaution.
Innover en partenariat : l’IA génère un tel flux de nouveautés qu’il peut être utile de s’ouvrir à l’écosystème. Collaborer avec des start-up spécialisées ou des instituts de recherche (Inria, Inrae…) permet d’accéder à des compétences pointues. Partager une partie de ses données R&D avec des partenaires externes de confiance peut accélérer les progrès. De même, créer des ponts entre jeunes data scientists et experts produits en interne favorisera une appropriation mutuelle des savoirs, condition du succès.
En résumé, l’IA générative ne remplacera pas les talents humains, mais peut d’ores et déjà les démultiplier.
Gain de temps, accélération de l’idéation, meilleure réactivité face aux tendances : les premières marques qui sauront structurer leur approche pourront transformer ce nouvel outil en avantage compétitif durable.
Pour les autres, il n’est pas trop tard : il suffit d’un bon usage pour que l’IA passe de la tendance à la recette gagnante.