Inflation : les ménages français redessinent leurs priorités alimentaires
Entre arbitrages budgétaires et nouvelles attentes, les marques doivent s’adapter
Entre produits plaisir et achats de première nécessité
Après une hausse record de +11,8 % des prix alimentaires en 2023, l’inflation est retombée à +1,4 % en 2024.
Mais le mal est fait : en trois ans, le coût de l’alimentation a bondi de 21 % en moyenne, plaçant plus de 11 millions de Français en situation de précarité alimentaire.
Conséquence : les consommateurs hiérarchisent leurs achats. Moins de viande, de poisson, de produits bio ou locaux.
Les dépenses dites « plaisir » sont restreintes, au profit des essentiels. 20 % des Français renoncent désormais à certains fruits et légumes frais.
Le mot d’ordre : arbitrer.
Vrac, promos et maxi formats : des stratégies de survie
Pour tenir malgré un budget contraint, les Français développent une logique d’optimisation systématique de leurs courses.
Près de 80 % des ménages ont modifié leurs habitudes alimentaires depuis 2023. Les arbitrages se font à plusieurs niveaux :
Chasse aux promotions : près de 83 % des foyers déclarent acheter en promotion « aussi souvent que possible ». Les opérations de type « 2 pour 1 », « 30 % offerts » ou « prix bloqués » se multiplient en tête de gondole. Les enseignes comme Leclerc ou Intermarché renforcent leurs campagnes de paniers anti-inflation pour conserver l’attention des consommateurs
Retour en force des marques distributeurs (MDD) : elles atteignent 39,1 % de part de marché en 2023, avec une croissance continue au détriment des marques nationales. Les MDD s’imposent dans tous les rayons, du lait aux conserves, grâce à une qualité jugée satisfaisante pour un prix inférieur de 20 à 30 % en moyenne
Formats familiaux et maxi conditionnements : les consommateurs misent sur le prix au kilo. Les paquets de pâtes de 1,5 kg, les briques de lait par 12, les pots de yaourt par 16 ou les bidons d’huile de 3L deviennent des best-sellers dans les rayons. Ces formats, proposés dans les enseignes comme Lidl, Grand Frais ou Système U, séduisent les familles mais aussi les foyers isolés qui mutualisent leurs achats (colocations, voisins…)
Achats en vrac et circuits alternatifs : 21 % des foyers achètent en vrac chaque semaine. Outre les enseignes bio comme Biocoop, de plus en plus de supermarchés classiques (Carrefour, Monoprix) développent leurs linéaires vrac pour les produits secs (riz, lentilles, céréales). L’achat au poids permet de mieux gérer les quantités et d’éviter le gaspillage
Retour au fait maison : dans un contexte de hausse des prix des produits transformés, de plus en plus de consommateurs cuisinent eux-mêmes. Les ventes de farine, œufs, légumes secs ou purée de tomates ont bondi. Ce phénomène encourage des recettes simples, à base de produits de base, parfois inspirées par les influenceurs food à petit budget sur les réseaux sociaux
Le secteur agroalimentaire à l’épreuve de la nouvelle consommation
Face à cette mutation, les industriels adaptent leurs gammes et leurs messages.
Plus de formats XXL, plus de premiers prix, plus de communication sur la valeur perçue : le storytelling du « juste prix » prend le pas sur celui de la promesse plaisir.
Les opérations commerciales se multiplient, mais la pression sur les marges s’intensifie.
Les marques doivent désormais arbitrer elles aussi : préserver la qualité tout en restant compétitives.
Recommandations pour les marques alimentaires françaises
Repositionner les gammes : proposer des produits accessibles sans sacrifier la qualité perçue. Étoffer l’entrée de gamme, mais aussi valoriser les formats économiques ou multifonctions
Travailler la pédagogie du prix : expliquer la composition des coûts, mettre en avant la valeur nutritionnelle ou l’origine locale pour justifier un prix supérieur à la moyenne
Adapter le discours de marque : moins de promesses émotionnelles, plus de preuves tangibles. Miser sur la transparence, la simplicité, et des engagements concrets
Favoriser la fidélité par l’utilité : mettre en avant des usages malins, des idées recettes anti-gaspi, ou des services complémentaires (conseils nutritionnels, planification de menus économiques)
Innover avec frugalité : repenser l’innovation non pas comme « premiumisation », mais comme réponse utile à une contrainte réelle (conservation, coût par portion, temps de préparation).
L’inflation ne se contente pas d’éroder le pouvoir d’achat : elle redéfinit profondément les comportements de consommation.
Dans ce nouveau paysage, où chaque euro dépensé est mûrement réfléchi, les marques alimentaires françaises doivent faire preuve d’écoute, d’agilité et de responsabilité.
Plus que jamais, comprendre les arbitrages du quotidien devient la clé pour reconstruire une relation de confiance durable avec les consommateurs.
Ceux-ci n’attendent pas seulement des prix bas, mais des solutions concrètes, accessibles et cohérentes avec leurs nouvelles priorités.
Sources : INSEE, Familles rurales, Kantar, Circana/IRI, Flashs Ymanci (2024)