MDD : la montée en gamme qui bouscule les marques nationales
Quand la guerre des prix laisse place à une guerre de valeur.
La montée en gamme des marques de distributeur en Europe
Les marques de distributeur (MDD) alimentaires gagnent du terrain partout en Europe et plus seulement sur l’entrée de gamme.
En 2023, elles ont enregistré des ventes record (+13 % en valeur sur un an) et représentent en moyenne 38 % du marché alimentaire européen.
Dans plusieurs pays, leur part dépasse les 40 % (44 % en Espagne, 42 % au Portugal) et atteint plus de 50 % en Suisse.
Longtemps perçues comme basiques, les MDD ont su monter en gamme : elles s’attaquent désormais au segment premium, au bio, aux labels d’origine et à l’innovation produit.
Résultat : plus de la moitié des consommateurs européens jugent que les MDD offrent aujourd’hui un excellent rapport qualité/prix, voire une qualité équivalente aux grandes marques.
Focus France : des MDD mieux positionnées et plus affirmées
En France, les MDD captent désormais 34,6 % des dépenses en produits de grande consommation, leur plus haut niveau depuis près de dix ans. Dans certaines enseignes comme Intermarché, Leclerc ou Carrefour, ce chiffre dépasse les 40 %.
Face à l’inflation, la grande distribution a joué la carte offensive : enrichissement des gammes, montée en qualité, storytelling autour des terroirs ou de la naturalité.
Carrefour multiplie les déclinaisons avec Reflets de France, Carrefour Bio, ou encore Simpl, tandis que Leclerc valorise ses producteurs avec Nos Régions ont du Talent.
Intermarché va plus loin encore en misant sur l’intégration industrielle via Agromousquetaires.
Ce positionnement multiple permet aux distributeurs de couvrir toutes les attentes consommateurs, du prix cassé au produit engagé.
Et les Français suivent : 89 % achètent régulièrement des MDD et 72 % estiment qu’elles sont aujourd’hui aussi bonnes que les grandes marques.
Les industriels face à un nouveau rapport de force
Les marques nationales doivent désormais composer avec une distribution qui ne se contente plus d’être un canal, mais devient un concurrent direct, producteur, promoteur et créateur de valeur.
En France, les marques nationales ont vu leurs volumes reculer de 3,5 % en 2023, pendant que ceux des MDD progressaient.
Le rapport de force est d’autant plus complexe que de nombreuses PME ou ETI travaillent désormais en marque blanche pour les enseignes, parfois même sous contrat avec des géants industriels.
Quelles pistes pour réagir ?
Voici quelques stratégies que les marques nationales peuvent activer pour faire face :
Revaloriser la marque : miser sur les codes affectifs, l’histoire, la preuve sociale (avis, médailles, influenceurs) et la singularité des produits
Innover plus vite : créer de la nouveauté, y compris sur des formats ou usages que les MDD copient moins vite (snacking, ultra-frais, digitalisation de l’expérience...)
Segmenter intelligemment : développer des sous-marques ou gammes spécifiques par canal (GMS, DTC, CHR) pour mieux répondre aux attentes locales ou de niche
Collaborer avec la distribution : certaines marques choisissent de fabriquer pour les MDD ou de co-développer des gammes en co-branding
Jouer la transparence radicale : origine, filière, engagements sociaux ou environnementaux, traçabilité... Les consommateurs y sont sensibles, et les marques peuvent y reprendre l’avantage
La contre-attaque est silencieuse mais puissante : à l’heure où la grande distribution devient productrice d’images, de récits et de qualité, les marques n’ont d’autre choix que de se réinventer.
La grande distrib’ n’a plus besoin des marques pour exister. Elle les imite, les dépasse parfois, et les oblige à se réinventer. En silence, les MDD ont changé les règles du jeu.
Aux marques nationales, désormais, de prouver qu’elles ont encore quelque chose d’unique à dire et à vendre.