Substituts végétaux : sont-ils vraiment bons pour l’homme et la planète ?
Les substituts végétaux s’avèrent une solution intéressante mais imparfaite
Les substituts végétaux imitant la viande (burgers, nuggets, « steaks » végétaux, etc.) suscitent un engouement mondial depuis quelques années.
Les ventes mondiales de ces alternatives ont atteint 1,1 milliard de dollars en 2023, en léger recul après un pic à 1,3 milliard en 2020.
En France, malgré une inflation élevée, la consommation continue de progresser : 18,3 millions de kilos de substituts de viande ont été vendus en 2023, contre 17,7 millions en 2022.
Le marché français des alternatives végétales aux produits animaux est ainsi estimé à 648 millions d’euros en 2023, soit +11 % en un an.
Ces chiffres illustrent l’intérêt croissant du public pour ces produits censés être plus respectueux de la planète et meilleurs pour la santé. Mais tiennent-ils réellement ces promesses ?
Un moindre impact écologique ?
Il est bien établi que la production de viande animale est très gourmande en ressources.
L’élevage génère environ 15 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre et mobilise près de 75 % des terres agricoles (notamment pour nourrir le bétail), alors même que les produits animaux ne fournissent que 18 % des calories et 25 % des protéines consommées.
Les substituts végétaux cherchent donc à réduire cette empreinte environnementale. Des études comparent leur impact à celui de la viande traditionnelle, et les résultats sont parlants :
Émissions de GES (gaz à effet de serre) : produire un substitut végétal imitant le bœuf émet jusqu’à -90 % de gaz à effet de serre en moins qu’une production équivalente de viande bovine. En moyenne, une analyse a montré qu’un produit végétal émettait 12 fois moins de CO₂ qu’un équivalent carné.
Consommation d’eau : la fabrication de ces aliments nécessite beaucoup moins d’eau. Par exemple, un steak végétal requiert environ 4,3 fois moins d’eau qu’une portion de bœuf (et en moyenne 2 à 3 fois moins d’eau que la viande standard).
Utilisation des terres : cultiver des protéines végétales pour simili-carnés occupe jusqu’à 89–98 % de surface agricole en moins par rapport à l’élevage de bœufs. Même pour la volaille ou le porc, l’économie de terres dépasse 75 %.
Ces économies de ressources suggèrent un bénéfice écologique réel des substituts végétaux par rapport à la viande : moins d’émissions, moins de pression sur l’eau et les terres, et donc un potentiel de réduire la déforestation et la pollution agricole.
Une étude souligne par exemple qu’en moyenne, les produits végétaux imitant la viande génèrent un impact d’eutrophisation bien inférieur à celui de la production porcine conventionnelle, tout en nécessitant 3,4 fois moins de fertilisants pour une même quantité de protéines.
Cependant, il faut nuancer ces avantages : comparés à des aliments végétaux bruts, les simili-carnés restent plus polluants. Ils émettraient par exemple 1,6 fois plus de GES qu’une portion de tofu, et jusqu’à 7 fois plus qu’une portion de lentilles équivalente.
Autrement dit, remplacer la viande par ces substituts réduit fortement l’empreinte carbone, mais manger des légumineuses entières la réduit encore davantage.
Qu’en est-il de la santé ?
Sur le plan nutritionnel, le bilan des substituts végétaux est contrasté. Ces produits sont conçus pour imiter le goût, la texture et l’apport protéique de la viande, avec des matières premières comme le soja, le pois ou le blé.
Du côté des atouts, on peut noter qu’ils sont exempts de cholestérol (car 100 % végétaux) et contiennent souvent moins de graisses saturées que la viande qu’ils remplacent.
Ils apportent en outre des fibres alimentaires, absentes des produits carnés, et ne contiennent ni hormones ni antibiotiques issus d’élevages.
Pour ces raisons, certaines alternatives (par ex. nuggets ou émincés végétaux) sont considérées comme généralement plus saines que leurs équivalents carnés, en contenant moins de graisses néfastes et moins de résidus indésirables.
Elles contribuent également à l’apport en protéines et peuvent aider à réduire la consommation de viande rouge et charcuterie (connues pour augmenter le risque de maladies cardiovasculaires et de certains cancers).
En revanche, les limites et critiques portent sur le degré de transformation ultra-industrielle de ces aliments.
La longue liste d’ingrédients de nombreux substituts (protéines végétales isolées, huiles, additifs texturants, arômes, colorants, etc.) les classe parmi les aliments ultra-transformés.
L’Organisation mondiale de la santé invite à la prudence : même d’origine végétale, ces produits ultra-transformés contiennent souvent plus de sel, de graisses saturées et de sucres ajoutés, et moins de fibres, de vitamines et de minéraux que des aliments végétaux entiers.
Par exemple, pour imiter la saveur salée et la jutosité de la viande, les substituts peuvent être riches en sodium et en matières grasses (certaines recettes utilisent de l’huile de coco, très riche en acides gras saturés).
Consommés trop fréquemment, ils pourraient donc présenter des risques similaires à d’autres aliments ultra-transformés (surpoids, diabète, etc.), d’autant que notre corps les assimile différemment de produits bruts.
De plus, des recherches récentes soulignent la présence possible de composés indésirables issus des procédés de fabrication. Une étude belge de 2024 a détecté dans des échantillons de faux-nuggets, steaks végétaux et fromages véganes des traces de plastifiants et de retardateurs de flamme, des substances chimiques utilisées dans les équipements industriels et les emballages.
Fait notable, ces résidus étaient retrouvés à des concentrations plus élevées que dans la viande ou le fromage d’origine animale équivalents. Leur toxicité à ces doses infimes n’est pas clairement établie, mais certains de ces composés sont suspectés d’effets nocifs à long terme (perturbateurs endocriniens, cancérogènes, etc.).
Les auteurs de l’étude recommandent donc de ne pas abuser des alternatives ultra-transformées, et ce conseil vaut tout autant pour les non-végétariens.
En somme, remplacer quelques portions de viande par des substituts végétaux peut profiter à la santé, mais en faire la base exclusive de son alimentation n’est pas recommandé, mieux vaut privilégier autant que possible des protéines végétales moins transformées (tofu, légumineuses, céréales…).
En conclusion, les substituts végétaux s’avèrent une solution intéressante mais imparfaite.
Du point de vue écologique, ils permettent une réduction notable de l’empreinte environnementale par rapport à la viande : moins d’émissions de gaz à effet de serre, moins de ressources consommées.
Sur le plan nutritionnel, ils offrent l’opportunité de manger « moins de viande » tout en conservant un certain plaisir gustatif et un apport protéique, ce qui peut contribuer à améliorer la santé publique si cela réduit la consommation de viandes grasses et de charcuteries.
Toutefois, il ne s’agit pas d’un élixir miracle : ces aliments restent des produits ultra-transformés, à consommer avec modération.
Pour l’homme comme pour la planète, ils constituent un pas en avant vers des régimes plus durables, à condition de les intégrer intelligemment dans une alimentation variée, riche en végétaux peu transformés.
Les substituts végétaux sont donc bons… dans la mesure où ils s’inscrivent dans une démarche globale d’équilibre et de responsabilité, sans prétendre remplacer la simplicité d’une cuisine végétale maison ni l’importance de repenser plus largement notre système alimentaire.
Sources : Good Food Institute Europe, Circana, ONAV, OMS, Université d’Anvers, étude belge 2024 (plastifiants), BBC, The Guardian, Nature Food, Food Navigator, INRAE.